Depuis combien de temps n’ai-je plus fait cela ? Cela doit remonter certainement au siècle dernier. Si pas avant… Mon époque révolutionnaire, longs cheveux et foulard rouge.
J’étais donc hier soir à distribuer des tracts pour la libération de Julian Assange. Eh bien j’en suis revenu ébahi. Effrayé.
Nous étions à tout casser 25, moyenne d’âge 60 ans, à affronter pluie, froid et morgue des passants. C’est fou ce qu’il y a du monde un lundi de janvier en fin de journée place de la Monnaie. Combien d’entre eux ont-ils manifesté un quelconque air de curiosité face à nos softs manoeuvres d’approche. 1 sur 30, sur 40 ? Certes, sans doute ai-je perdu la main, la manière, le talent. Je ne me sentais pas bien dans ce rôle qui consistait à importuner les gens tout occupés à leurs soldes d’hiver pour leur parler d’un gars qui croupit idiotement dans une geole britannique en plein 21ème siècle parce qu’il a osé, le salaud, dénoncer le dénonçable. Qu’il croupisse bon sang !
« Vous connaissez Assange ? » tentais-je, affublé d’un panneau Free Assange. Ou : « Un journaliste est en train de mourir dans une prison anglaise ! » Ou encore « Madame, on a besoin de votre signature ! » Aucune formule ne sortit du lot. Les gens faisaient un pas pour m’éviter ou regardaient tout d’un coup les flaques d’eau. Ou répondaient oui oui, ou non merci, ou j’ai pas le temps. Ou un rien du tout teinté d’un regard vide et fermé, impénétrable. Un jeune fait mine de ralentir, happé par mon pauvre bagout ? Sa maman lui intime sèchement de continuer, viens, allez viens ! Comme si j’étais un vieux pervers.
Cinq personnes ont daigné parler avec moi. Deux Algériens d’abord, enchantés de me voir si au fait de leur Hirak, leur « mouvement », leur révolution. Ils ont bien sûr signé. La liberté de la presse, ils en connaissent le prix ! Et ensuite trois Sicilens, heureux et fiers de signer pour une telle cause.
Heureusement qu’il y a des étrangers en Belgique.
Après 40 minutes, j’ai arrêté. J’en avais marre, j’étais désespéré. Une société hyper connectée mais peuplée de gens isolés, égocentrés. Si les gens se méfient tant de l’information, s’ils ne sont pas un minimum curieux de ce qu’on leur propose, nos lanceurs d’alerte ne sont pas près de sortir de prison !
La liberté d’expression et le droit à être informé sont les mamelles de toute démocratie. J’y ajouterais bien le devoir de s’informer. D’où mon ode à la curiosité.
un commentaire pour Ode à la curiosité !
Peur-être avons nous déjà perdu la bataille de l’info. Tant de fake news tue la news. Et puis il y a l’égocentrisme grandissant. Tu aurais fait la même démarche pour l’exclusion d’un joueur de foot que tu aurais eu bien plus de signature. Et cette situation n’est pas due au hasard, elle est fabriquée par les puissants. Laver le cerveau des gens aux grandes eaux des téléréalités, talkshow et autres foot. Du pain et des jeux c’est ce que veut le peuple et surtout pas de s’impliquer, mais ils seront les premiers à se plaindre quand ils auront tout perdu ! Bon courage à toi et merci pour ton engagement.